lundi 31 août 2009

Appel à candidature.

Un avion.
Un aéroport.
Un TGV.
200 messages internet.
Un répondeur téléphonique
Des projets en pagaille.
Des colis postaux en attente.
Une rentrée scolaire qui arrive..

De retour de ce Pérou qui me convainc chaque année plus, je rêve et je crois qu'Ayud'Art n'attend définitivement qu'une seule chose pour grandir : un salarié.
Le plus gros container de l'histoire de l'assoc est en partance, toutes les ventes sont à inventer, Le site internet est en bourgeon, les CE ne savent pas encore comme nos gants sont chauds en hiver et CIMA, à l'autre bout du monde, transforme chacun de nos efforts en avenir.

Et si ce contrat là était pour nous..?http://www.informetiers.info/upload_actu/pdf/12457426471245742647.pdf

Alors qui que vous soyez, vous du bureau, vous qui maîtrisez les contrats, les chiffres, les projets, les rêves, pensez le bien..
Une folie, une nécessité, une ruine, une utopie, un hareng saure, une épaule d'agneau, bref, soyez concis, inventifs et radicaux. C'est maintenant ou jamais! Pour ou contre le CAE passerelle.

Je lance un appel à candidature. Si autour de vous, quelqu'un correspond au profil.. C'est maintenant!
Une candidature spontanée nous est parvenue pendant les vacances, Adrien, 23 ans que je vous invite à rencontrer au siège de l'association Mercredi à 14heures munis de toutes vos questions.

Et si c'était vrai..

dimanche 30 août 2009

sur le site de l'"association des petits arroseurs"

samedi 29 août 2009

les deseamos lo mejor





















mAR(T)iage de la lune et du soleil

taller

vendredi 28 août 2009

*****

jeudi 27 août 2009

amantani

mercredi 26 août 2009

cieneguilla

mardi 25 août 2009

uros

dimanche 23 août 2009

cusco

h1n1...

Premiers cas de grippe A chez des Indiens d'Amazonie

12 Août 2009

Les Matsigenka vivent le long du rio Urubamba, Pérou.
Les Matsigenka vivent le long du rio Urubamba, Pérou.
© J Mazower/Survival

Les premiers cas de grippe A viennent d'être déclarés chez des Indiens d'Amazonie, les experts craignent de plus en plus une contagion dévastatrice parmi des peuples qui n'ont aucune immunité contre les maladies extérieures.

Le département régional de santé de Cusco a annoncé que sept Indiens matsigenka, qui vivent le long du rio Urubamba en Amazonie péruvienne, sont atteints par le virus.

Les peuples indigènes à travers le monde sont particulièrement vulnérables à la grippe A en raison de leur faible immunité et de leur taux élevé de maladies chroniques telles que le diabète ou les dysfonctionnements cardiaques.

En Australie, près d'un Aborigène sur dix meurt de la grippe A, alors que leur espérance de vie est déjà de 15 à 20 ans inférieure à celle des non-Aborigènes. Au Canada, le taux d'infection parmi les communautés des Premières Nations au Manitoba est de 130 pour 100 000, alors qu'il n'est que de 24 pour 100 000 parmi la population dans son ensemble.

L'anthropologue Glenn Shepard, expert des Indiens matsigenka, a déclaré aujourd'hui : "L'arrivée de la grippe A chez les Matsigenka est particulièrement préoccupante puisqu'ils ont des contacts intermittents avec des groupes d'Indiens très isolés qui vivent à proximité."

Le professeur de médecine à l'université de Bristol, Stafford Lightman, a également rapporté que: "Les Indiens isolés n'ont aucune immunité face aux maladies contagieuses qui se répandent parmi notre société industrielle et seront particulièrement vulnérables à la grippe A. Cela pourrait être dévastateur et pourrait contaminer simultanément des communautés entières."

Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré : "Ces nouvelles sont très alarmantes. Les peuples isolés à travers le monde sont déjà confrontés aux bûcherons et fermiers illégaux ainsi qu'aux braconniers et touristes zélés qui empiètent sur leurs territoires et leur transmettent des maladies contre lesquelles ils n'ont aucune immunité. En période de pandémie, il est encore plus urgent de reconnaître et protéger leurs droits territoriaux avant qu'il ne soit trop tard."

Pour plus d’informations
Sophie Baillon 00 33 (0)1 42 41 44 10
sb@survivalfrance.org

Pour plus d'informations sur les impacts du "développement" sur la santé des peuples indigènes : http://www.survivalfrance.org/campagnes/progrespeuttuer

Libellés :

lima

vendredi 21 août 2009

como se llama ?

urubamba

L'accès à l'eau potable, un privilège...

mardi 18 août 2009

Perou 2009

« Il est des êtres qui font d’un soleil une simple tâche jaune mais il y en a aussi qui font d’une simple tâche jaune un soleil »
Pablo Picasso

A Nico qui m’a glissé dans ses bagages il y a huit ans pour me montrer son « pedazito » de Pérou.

Les fins d’années scolaires sont traditionnellement riches en émotions et en labeur. Quitter petits et grands qui nous accompagnent ou que l’on accompagne chaque jour depuis un an, boucler les projets, en rêver de nouveaux. J’ai décidé cette année de ne pas laisser infuser trop ces moments passerelles et de m’envoler vers Lima une petite poignée de jours après la fin des classes, riche des souvenirs passés que tout prendra beaucoup de temps une fois sur place, l’adaptation comme l’action.
Le foisonnement des projets 2009 et le goût qui ne me quitte pas de savourer l’instant sans le nuancer de planning m’ont conforté dans ce sens vers un décollage tout début Juillet. Un drôle de voyage « aller » déjà puisqu’il fut entrecoupé d’une escale à Madrid, occasion de retrouver un instant Julissa à l’aéroport. La demoiselle projette de rejoindre pour 2 ans la capitale espagnole afin d’y valider dans tout l’espace Shengen son diplôme de chirurgien dentiste. De passage là bas pour se chercher une coquille de noix où séjourner non loin de l’université dès septembre prochain nous nous sommes retrouvée à l’aéroport pour un échange matériel, là, à quelques mètres seulement d’un portique de sécurité si ressemblant à celui que nous avions quitté ensemble à Lima deux ans auparavant dans les craquements et les grondements du tremblement de Terre. Nous rappeler ensemble cette nuit qui nous a fait quitter le Pérou à la vitesse de l’éclaire et tellement moins brillamment que Néron jouant du violon pendant que Rome brûlait.. Incendier le temps, chasser les souvenirs, un sourire jumeau pour se rappeler que, depuis lors, exister serait forcément dans l’innocence de l’avenir, cesser aussi de se demander « qu’avons-nous donc fait nous pour survivre ? » et se préparer à retrouver à l’autre bout du Pacifique, tous ceux qui ont vécu cela.
Repartir vers moi, vers cet autre de là bas, ces autres. Huit années après la fondation d’Ayud’Art, partir avec des doutes et des envies, des projets et des questions, la conviction qu’à cette heure, ce qui pourrait me ravir l’énergie et le goût serait quelque chose qui me tomberait dessus de l’extérieur et non l’insatisfaction, la lassitude ou l’envie de nouveauté. Mais partir aussi consciente de la fragilité de tout ce qui a été construit, de ce système qui repose sur le bénévolat et le don, de cette association partie d’un projet personnel et qui apprend à grandir, qui va devoir poser des fondamentaux stables pour ne pas s’étouffer en grandissant, pour offrir toujours et encore un débouché au travail des artisans que je compte rencontrer jusqu’à à Cusco juste après un passage que je sais déjà trop court à CIMA qui vibrera cet été aux matières et aux couleurs d’un projet artistique qui donne toutes ses lettres de noblesses aux deux majuscules d’Ayud’Art.
Et puis comme toujours, dès l’arrivée, quitter considérations et certitudes, accepter que tout s’exalte dans ce bouquet d’âmes enchâssées. Se sentir à l’affût, à l’assaut de moi-même. Assister incrédule à de minuscules et immenses bouleversements, voir le temps changer de Loi, de forme, de poids, chaque seconde se changer en dune de sable dans un sablier et chaque minute emprunter la couleur d’une saison, c’est maintenant..

Qu’il est complexe et réducteur de tenter de mettre des mots sur la vie à CIMA. Ma venue là bas cet été, après deux années et un tremblement de Terre, a d’abord consistée à reprendre mes marques, à voir les enfants, à écouter, à partager. Prendre le train en route, mettre des noms sur de nouveaux visages, de nouveaux visages sur des noms connus pour ceux qui avaient 9 ans en 2004 autour de la mosaïque, qui ont pris les pinceaux pour réaliser la fresque à 11 ans et que je retrouve cette année avec un corps d’adolescent de 13 ans, sportifs, fiers d’avoir abandonné leur petite voix que j’aimais tant et arborant avec l’évidence de toujours un timbre de voix nouveau, plus viril. Réapprendre tout cela, ouvrir mes sens, suivre chacun sans me perdre en route. L’immersion à CIMA dans un premier temps consiste à ouvrir les yeux, à voir que tous les fonds envoyés se sont transformés en autant de réalisations concrètes de la plus modeste à la plus colorée, d’une rénovation de latrine à la réfection de la pompe à eau en passant par l’équipement matériel de la cuisine ou de la bibliothèque. Constater, dans ce Pérou en perpétuelle ébullition, que la barre est maintenue, que les enfants mangent, étudient, se projettent. Mais rien de tel pour appréhender cela que de suivre petits et grands..
Sebastian par exemple est le professeur d’agriculture de CIMA et jardine l’âme de ses élèves avec son sourire exigeant et indélébile. Il me tire par le bras avec l’impatience d’un enfant au pied du sapin de noël pour me montrer, fier, les 14 porcelets nés avant-hier. Leur mère la truie de CIMA était une donation Ayud’art et l’image me comble. Offrir un animal au centre c’est trouver un beau matin sa descendance et tous les enseignements qui vont avec. Le voir, l’œil brillant, l’envie de transmettre chevillée au corps, expliquer aux enfants les soins à prodiguer à ces minuscules boules tièdes et roses, les savoir toutes les deux heures- de nuit comme de jour- biberon la main, nourrir la marmaille pour éviter quelques jours encore que la truie ne les écrase. Leçon assurée de vocabulaire vétérinaire et émotion toujours de les voir faire florès de toutes les joies et les opportunités de la vie avec tant d’enthousiasme.

Elisa est un de ces êtres qui remettent les échelles de valeur à leur place. Enseignante, elle vient à CIMA alphabétiser les enfants avant leur entrée à l’école et s’occupe aussi du suivi scolaire pour ceux qui fréquentent déjà un collège. Logiquement, son job à elle s’arrête à l’apprentissage du B, A, BA et aux révisions des tables de multiplication. Mais voilà, la dame, humble parmi les humbles comme en témoignent son habillement et sa modestie, est un de ces esprits aiguisés, une vraie passionnée qui lutte chaque jour avec une obstination animale pour ouvrir l’esprit des garçons avec son expression habituelle de douce et tolérante mansuétude. Elle est fascinée par les sciences, les raisonnements et les expérimentations. Elle lit dans le noir des apparences de chaque pensionnaire du CIMA qui passe dans sa classe une facette même minuscule, une étincelle d’intérêt qu’elle va immédiatement stimuler, alimenter et encourager. Sa salle de classe ressemble à la cave de Mac Giver. Des bouteilles vides de toutes tailles, des bouts d’élastiques, des branches, des capsules, le carbone usé d’une pile, un vieux chewing gum, bref, un échantillonnage fourni et efficace du recyclage local. Forte de la certitude que la naïveté des uns a toujours fait la fortune des autres, elle a interprété «l’éduquer » de son contrat de travail à CIMA comme un « apprendre à comprendre », un « apprendre à douter pour mieux tester et vérifier ». Elle ne se déplace jamais sans une pile de livres dans les bras pour illustrer ses propos mais la pile est bien vite dévalisée par les enfants contaminés devenus chercheurs, curieux, ingénieux. Une fois de plus, les livres issus des donations d’Ayud’Art scintillent d’évidence et de pertinence dans ce contexte. Elle éveille l’esprit scientifique avec une passion qui m’a bouleversé après 10 années d’enseignements et de formations, je confirme que rien ne vaut le goût et l’envie de transmettre. Les enfants se prêtent d’autant plus au jeu qu’il existe désormais à CIMA un rendez vous mensuel appelé « après midi des talents ». Musiciens, sportifs, scientifiques, danseurs, « réciteurs » de poésie, tous peuvent venir y exposer devant tous, le fruit de leurs centres d’intérêts. Je n’ai pas pu assister à l’événement mais chaque gamin de CIMA m’y avait donné rendez-vous, preuve s’il en fallait une que ce temps d’échange et de partage dope la motivation et stimule l’estime de soi. Une initiative pour la beauté du geste, loin de tout ton solennel de distribution de prix que l’on doit à celui à qui ont doit toutes les autres..

« Je suis le feu tapi dans la pierre, si tu es de ceux qui font jaillir l’étincelle, frappe »


Jean Louis Lebel, l’homme qui a rêvé cela il y a 19 ans est de ceux qui ont fait jaillir des bouquets d’étincelles et qui a oublié de renoncer. Vous dire CIMA, c’est revenir sur les fondamentaux qui animent le Monsieur. Il n’est pas de ceux qui résument les problèmes complexes à des équations trop simples, il ne promet à ces gamins de la rue ou de l’extrême pauvreté aucun bonheur, ni exotique ni domestique, i l revendique un autre territoire que celui du plaisir évident. Chaque jour, le voir au contact des enfants me conforte dans l’idée qu’il est leur guichet vers la vie. Dans sa minuscule chambrette au cœur du CIMA, il est un roi de persévérance, un seigneur de confiance, l’air le proclame autour de lui. Depuis huit années, il me redit chaque fois, l’œil rieur ou militant, mais toujours avec ferveur, combien il croit et a bâti ce CIMA avec la foi que l’éducation forme un guide d’existence individuel ou collectif. Système de puissance lourde à inertie et à temps long. Il est debout, arme chaque esprit qui passe par CIMA dans le combat vital pour la lucidité, éveille à la compréhension de l’autre, de soi. Il est fait les liens individu/espèce/société et les diluent pour les enfants analphabètes devenus philosophes, sages ou savants pour un instant de partage dans de patientes paraboles. A son contact, on découvre l’essence d’un insatiable goût de vivre. Voir ces grands durs courir vers lui juste pour le saluer, le serrer dans un instant hors du temps dans leurs bras, ceux qu’il a vilipendés la veille avec véhémence ou ceux sur qui il veille depuis plusieurs années pose avec l’évidence d’un étendard qu’il est possible de prolonger la vie hors de soi sans transmettre ses chromosomes. Il parie sur l’intelligence de chaque enfant, médiateur à la fois bienveillant et exigeant, il fait tout pour que, dans ce CIMA, on leur apprenne à analyser leurs erreurs et à dépasser leurs limites. Il a bâti CIMA comme un jeu d’orientation, la découverte du savoir être, du plaisir d’apprendre aussi, en manipulant, en leur montrant le chemin de leurs clefs. Il fait tout pour que le regard porté ne devienne pas un chemin intimé mais un moteur rassurant , même s’il est parfois le maître de colères qui lui font cabrer la voix, durcir le ton et exprimer la distance en kilomètres avec l’intéressé. Il aime la moitié des enfants de la Terre mais pas n’importe comment ni à n’importe quel prix et il leur fait savoir lorsque les événements les habillent de traitrise ou de tromperie. Je ne l’ai jamais vu toutefois confondre fermeté et fermeture. Pour lui, chaque souffle n’a de sens que s’il alimente celui de notre flamme et il met cela en pratique au quotidien parmi ces gamins qui lui rendent bien.

Tout persiste et signe pour me plaire dans l’organisation de CIMA. L’organisation du centre a été pensée selon l’idée que la spécialisation compartimente et que la répartition du travail, telle la société fourmi, éradique toute créativité. Ici, le travail en équipe demeure franchement étonnant. L’un énonce une idée, un lambeau. L’autre rebondit, le transforme en morceau. Et les garçons du centre, eux qui apprennent à écrire dans la pièce à côté, adoptent tous ces morceaux et se font arlequin. Dans ce ballet de complémentarités, tous ont en tête que chaque garçon doit savoir où il est ici, qu’il s’agit pour cela de parler d’une seule voix. Alors, Mario – le directeur de CIMA- cheminera dans ce sens tel un fleuve et Anne- la secrétaire internationale multilingue -l’accompagnera sur ses berges de sa source à la mer avec l’élégance des porcelaines dans lesquelles elle nous offre une boisson chaude à la levée ou à la tombée du jour.

Owen est de ceux dont les chagrins doivent être incontinents et possède en guise de rempart, cette élégance rare qui crée la distance. Sans mépris ni arrogance il n’était jamais bien loin de moi à CIMA. Un seul faux pas conduit à rejoindre le cimetière de son indifférence. En guise de rêveries, des raisonnements, même son regard est arithmétique, logique. Il revient de loin et compte bien tout mettre en ouvre pour ne pas y retourner. Il lutte pour oublier ses frissons, hypnotiser sa mémoire. Owen fait partie du groupe de musique de CIMA et chante avec une voix posée et un rythme affirmé. Son truc à lui, c’est de quitter le groupe une petite minute et de chanter a capella en fixant droit dans les yeux. Une expérience qui ne laisse pas indemne. Il est animé par une force intérieure propre à celui qui en a tant bavé, cette résistance qu’il porte comme un bracelet de naissance où l’on pourrait lire « né pauvre dans un pays pauvre ». Alors tout est bon pour s’en sortir. Le moindre but marqué avec ses copains prend forme d’une quête de dignité assouvie un instant. A CIMA, il va devoir apprendre que la vie ne sera pas celle qu’il a connu, qu’ici il ne suffirait pas de faire semblant d’écouter des adultes déjà dépassés par leurs propres problèmes, qu’ici le problème des adultes sera qu’il aille bien même s’il pour cela il devra renoncer à la liberté sans borne de son empire cru d’avant. Ici, je le vois apprendre au contact des autres à être vivant dans tout ce qu’il fait loin de cette illusion de jeunesse qu’il a connu dans la rue et qui n’a duré que le temps d’une ivresse. Chaque activité proposée doit l’aider à se rendre compte que la seule personne qui l’accompagnera toute sa vie sera lui-même et qu’il vaut mieux dans cette optique apprendre à rire de soi, à regarder son ennemi en face, à parler aussi avec les yeux plutôt que de les baisser. En cueillant l’instant après déjà tant de jeunesse grignotée, il apprend aussi aux détours de ce que CIMA lui montre à contourner l’obstacle quoiqu’il en soi sa vie en sera remplie et cela n’en donnera que plus de saveur aux petites victoires.

Son pote à lui, celui avec qui il parle avec les yeux, s’appelle Jaime. Il dit avoir 10 ans cela semble si peu probable. Il est profond de mille ans mais étourdi et hardi, ces gestes sont ceux de l’enfance. Il n’a rien à offrir que la douceur de son regard comme une fête gratuite. Son visage, celui qui l’a dessiné n’avait plus qu’une mine, alors pas de rature, point de gommage, une ligne entremêlée mais jamais perdue, une ligne en un seul trait. Et que ce trait lui en donne de bien nobles. Et que ce visage reflète bien la pensée qu’il camouffle. Il est un de ces cœurs francs qui prend longtemps pour dire mais qui le dira longtemps. Au loto de la vie, celui là a déjà gagné au moins en posant le pied à CIMA après sa vie de la rue, des perles de rire, des horizons élargis lui qui a quitté ce qui lui restait de famille avec si jeune, la réputation établie d’incapable incurable. Sa vie ressemblait à un de ces chandails pleins de trous. Combien d’années lui faudra t’il pour accepter l’idée qu’à CIMA, un plat chaud l’attendra à midi et que ce qu’il est et ce qu’il fait à de l’importance ? Je fais confiance à ses tuteurs et à tous ceux que CIMA mettent à son contact pour lui répéter autant de fois qu’il le faudra qu’il vaut mieux être bon boucher que mauvais ministre, ici c’est la thèse officielle, la ligne du parti . Il est arrivé au centre diminué comme une ombre à midi, le voir danser dans le groupe de CIMA et tenter sans cesse de montrer ses progrès me fait mesurer le chemin déjà parcouru en une petite année où il a déjà appris que le futur pouvait lui réserver tellement mieux que l’hypothèque de son passé. Un petit bout de vie lorsque je l’ai vu hier accélérer le pas pour se rapprocher de Jean- Louis, caller son pas dans le sien, un instant seulement, un fragment de grâce avouée, chercher la main du Padre et la tenir comme on tient un cerf volant. Prendre sa main, s’évader de l’enfer, sauter dans les vagues en arrière. Les deux sourires bavarderont un cours instant et Jaime retrouvera le chemin de sa classe le plus naturellement du monde. Décidément, les gens sont comme les couleurs, plus ils sont le fruit de mélanges complexes et plus il est difficile de trouver le même coloris, Jaime et Jean Louis dans ce fragment de complicité sont lumineux et d’une couleur issue de tant de mélanges..

Pedro a 9 ans, en parait 6, a du naître un matin où le jour ne portait pas bien son nom. Bon comme le pain, franc comme l’or, il a un regard qui comprime le cœur comme un papier que l’on froisse. Un sourire craquant, presque imparfait. Tout en lui exulte la richesse de ce qu’il n’a pas. Il a appris depuis qu’il a l’âge d’apprendre qu’il fallait, pour être aimable aux yeux de sa mère revenir chaque soir avec des pièces mendiées. Il est arrivé à CIMA dans son petit corps pantelant de souffrance comme sorti de cet enfer où les morts ne meurent pas. Il fait feu de tout ce qu’on lui propose à CIMA et, à écouter son tuteur et à lire sa mine, il apprend à devenir quelqu’un, pas l’ombre de son contraire. Son chemin de vie à lui donne raison au proverbe selon lequel les roses poussent parmi les épines. Il apprend ici qu’il a 4 ans de retard à l’école par rapport à d’autres gamins mais qu’il est possible, à partir de maintenant, d’échapper au groupe de ceux qui apportent de la vie à leurs années plus encore que d’années à leurs vie. Ce petit a l’air si fragile encore, fluet, poupin, même si parmi ses camarades, rien ne semble ni le dérouter ni le déstabiliser, preuve sil en fallait une que quelle que soit la tempête, tout est calme à 3000 mètres de profondeur.
J’espère partager plus qu’une soirée de « despedida » -départ- autour d’un grand feu avec lui à l’avenir à CIMA, j’espère les retrouver tous ou ne plus jamais les voir si cela signe leur retour à un chemin familial. Je sais que quoiqu’il en soit, pour un temps ou pour toujours, ils auront vu ici avec cette énergie si propre à CIMA qui innerve, instinctive, invincible, profonde, qu’on ne figeait pas l’appartenance en destin, qu’être humain c’est être. Ils auront avancé ensemble, fait corps. Ils seront ici où là l’assimilation vivante que le trésor de l’humanité est la diversité mais aussi que le trésor de la diversité est l’unité.


« Nous devons conserver au centre de notre monde, le lieu de nos incertitudes, de notre fragilité. Rester hésitant et résister ainsi aux discours violents ou aimables. Conserver le luxe de la pensée, du superficiel, de l’invention de ce qui n’existe pas encore, l’interrogation d’hier, le questionnement, ne pas renoncer au patrimoine de demain.».

Cette année, le projet artistique est né de la rencontre entre deux céramistes. Poupy vit à Nancy, fait de chacun de ses doigts un oiseau au contact de la terre qu’elle transforme en langage, faisant entrer le tout dans la partie. Gardienne du cap, convaincue que les plus grands mouvements de transformations commencent toujours de façon marginale, déviante, voire invisible. Elle croise le chemin d’Ayud’Art à quelques pâtés de maisons de son atelier et propose un matin de partir au Pérou, découvrir le CIMA et pourquoi pas y mener un projet dans sa discipline.
Nanay, des joues aux courbes de lunes, les doigts légers comme un songe, vit à un quart d’heure de CIMA, déteste ceux qui transposent les concepts en dogmes du haut de leur supposés savoirs, préfère le détour au point et sait qu’il sera impossible de porter le flambeau de sa passion parmi la foule sans roussir une barbe. Elle aide CIMA à sa manière et à sa mesure en permettant à des garçons du centre de venir pratiquer la céramique à son atelier.
Deux caractères, deux chemins, deux parties du globe. Deux vies loin de celles taillées à la douzaine, deux destinées d’éveilleuses éveillées et une rencontre. Dès les premières minutes, leur rencontre s’apparente à des retrouvailles. Elles tissent, elles testent. Fortes et fragiles. Nanay a prêté à Poupy son atelier, l’a conduit à ses repères où acheter argiles et émaux, lui a présenté d’autres artistes céramistes locaux . Voilà une bien belle coopération quand les techniques s’échangent, quand les formules chimiques ou les courbes de températures de cuisson circulent d’un continent à l’autre. Le projet consiste à permettre à Poupy de réaliser son art ici, d’exposer ensuite son travail et de le vendre au profit de CIMA. Les bénéfices réalisés serviront à mettre en œuvre un atelier céramique à CIMA avec les enfants dès Janvier prochain. Les garçons pourront mettre les mains à la Terre, pratiquer le tour de potier, graver, sculpter, cuire.


Une centaine de pièces réalisées avec chaque jour de nouvelles adaptations à opérer. La Terre est plus meuble, moins chamotée, le four chauffe d’un coup puis renâcle à monter en température, l’humidité ambiante joue les troubles faits dans le séchage des pièces. Ensemble, elles ont cheminées mesurant au grè des cuissons nocturnes ce que le jour doit à la nuit.

De mon côté je m’émerveille de découvrir qu’il est possible de varier les projets et de mettre ce qui a été appris dans le passé à contribution pour donner vie à ce projet 2009. Une partie du travail consiste aussi à expliquer le sens de cette action aux enfants de CIMA.
Tout cela repose aussi sur l’improbable et évidente rencontre avec Patricia Gomez Sanchez, une des plus illustres propriétaires de galerie locale, archéologue et historienne de l’art de formation. Ici au Pérou on dit que c’est elle qui « fait » ou « défait » la côte d’un artiste. Elle a sillonné l’Amérique du Sud et l’Europe de vernissage en ventes aux enchères, a l’œil vif, fin, goulu de talents. Patricia est l’amie de Claudia, que je connais de mieux en mieux depuis 4 ans. Péruvienne issue d’un milieu très favorisé, très occupée à parler plusieurs langues dans sa firme internationale, elle n’en oublie pas moins de donner beaucoup de son temps et de son énergie à CIMA. Elle connait le tout Lima et ensemble, pas à pas, nous avons bâti ce projet avec son amie Jeny qui possède une demeure huppée dans un quartier qui ne l’est pas moins. La fusion a eue lieue, Patricia a côté les pièces produites par Poupy avec l’aide de Nanay, Claudia a fait l’intermédiaire et l’organisatrice, j’ai écris un petit texte racontant l’histoire de ces rencontres, de ces solidarités qui se découvrent. Jeny, elle, nous ouvrira ses portes demain pour la première exposition-vente. Une véritable opération de communication auprès de la Jet Set, occasion de faire le lien entre les collectionneurs d’Art et le CIMA. Trois cents personnes invitées, le groupe de musique de CIMA sera là pour donner le ton.

La seconde manifestation aura lieu le lendemain à Cieneguilla, non loin de CIMA et visera le milieu artistique, diplomatique et ceux qui appuient CIMA au quotidien. De nouveaux 300 cartons d’invitations distribués, du maire du district aux principaux des collèges en passant par tout ce que Lima compte de sculpteurs et de peintres . Encore une occasion de faire se rencontrer les mondes, jouer les flûtes et rentrer les fonds en vue du projet de Janvier prochain.
Quoiqu’il en soit, même si tout devait s’arrêter là, je mesure la force de la rencontre et du travail de Poupy et Nanay. Je me rappelle quelques jours avant la fin d’année scolaire d’un entretien au Rectorat de mon académie. Les affaires culturelles comme on appelle cela, ceux qui impulsent l’enseignement des arts à la jeunesse France. Ceux là ont un salaire, une carte de visite, une carrière au chaud. Des uniformes de jugement, maigres parures à une pensée appauvrie et frileuse, prêt à porter de la créativité congestionnés de certitudes. Et je vois ces gamins de l’extrême pauvreté ici qui ne demandent que la simplicité et de la compréhension, déjà impatient de toucher la terre en Janvier. Je mesure le trésor de simplicité et de pugnacité de ces deux Dames et sais déjà que leur exposition sera un succès.


Vivre 3 semaines à Cusco, réapprendre son corps dans cet empire où il semble que l’air est épaissi. Le site est empreint de passé. Je me sens animée de l’impétueux désir de courir sur les toits comme un chat tant le décor semble irréel. L’air du matin entre telle une fête dans mes poumons. La nuit se donne et le fleuve noir du ciel fait onduler comme une rivière le ruisseau roulant des astres.
Les visites chez nos producteurs sont de vrais moments hors du temps que je vous raconterai artisanat à l’appui dès mon retour. Il y a ceux avec qui nous travaillons depuis longtemps, et puis les autres, les nouveaux avec lesquels il faut changer le langage universel du papier monnaie en un lien à trouver, à construire.

Des rencontres inédites, comme dans ce cabanon, murs de torchis buvard devenus bavards où se balance l’histoire de la cuillère à travers les âges gardé par un chien aux instincts de panthère. Le talent du couple de producteurs de tissages qui habite ici s’exerce jusqu’à la tombée de la nuit ou à la lueur de la lune. Voilà qui confirme que toutes les plus grandes œuvres de l’humanité de Sophocle à Mozart ont été écrites à la bougie. Ici nos origines ne sont pas derrières nous, elles sont en nous.

Les visites à des communautés de producteurs m’amène souvent à rencontrer des femmes, maitresses des destinées familiales, vêtues comme l’étaient leurs grands-mères, leur style n’est pas sans beauté.
Le mois d’Aôut correspond ici au mois du « paiement à la terre » philosophie selon laquelle tout humain vivant la surface du globe se doit de remercier la Terre qui le nourrit. A cette occasion, j’ai rencontré Luzero que l’on dirait sorcier en France et qui ici est un intermédiaire entre la planète et ses habitants. Il lit l’avenir dans des feuilles de coca et me fait penser à ces vieux rosiers qui redeviennent sauvages. Son sourire lui maintient les lèvres en une expression profonde et déconcertante.

Auprès deux ans de distance et deux mois de partages dans toutes ces entreprises humaines que je viens de vous compter, je pars d’ici avec la certitude de savoir qui je suis et ce qu’il me reste à faire de retour en France, avec vous.
Il est des combats comme les couples, tous ne sont pas actualisés. Je quitte ce Pérou devenus familier avec la certitude parmi tous mes doutes que le goût qui m’anime pour faire grandir avec vous Ayud’Art est intact, croissant et fondé.
Je rentre dans quelques jours emportant avec moi couleurs et récits après avoir partagé tant de complicité, de petits morceaux de vie et de grands morceaux de cœur qui auront la mission une fois de retour de me permettre de garder le cap. M’éloigner des pensées appauvries et frileuses pour croire qu’ensemble nous pouvons partager et rêver pour et avec eux.

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